Clinique du Parc - Lyon
(France)
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Bipédie et Biomécanique du complexe lombo-pelvi-fémoralJean Claude de Mauroy Clinique du Parc – Lyon
L’anneau pelvien est une structure tridimensionnelle et l’on peut dans un but didactique étudier successivement le plan frontal, le plan sagittal et le plan horizontal.
I - Dans le plan frontalC’est le plan du mouvement de base des premiers vertébrés et notamment des reptiles. (Figure 1) La lutte contre la gravité commence au dévonien il y a 450 millions d’années quand les vertébrés quittent le milieu aquatique qui annulait presque intégralement la force de gravité grâce à la poussée d’Archimède, pour s’aventurer sur le sol terrestre. (Figure 2)
Cette lutte antigravitaire difficile, leur impose la reptation à plat ventre. Ils sont collés au sol, plaqués par leur masse, appuyant latéralement sur leurs pattes, en extension partielle, afin de libérer leurs côtes pour parvenir à respirer. • Le passage sur la terre nécessite donc une rotation autour de l’axe vertébral. • L’association inflexion latérale et rotation provoque une extension du rachis (comme pour la scoliose) • C’est le mouvement du rachis dans un plan sagittal qui va favoriser le développement progressif des membres inférieurs. Les muscles vont migrer hors de la paroi abdominale. L’augmentation de la masse musculaire des membres inférieurs permet la verticalisation. (Figure 3) Certains mammifères (baleines, dauphins) retournent dans l’eau en conservant le mouvement de flexion-extension. Ils descendent des mammifères terrestres quadrupèdes. (Figure 4)
Le bassin dans le plan frontal est un compromis entre les nécessités de la locomotion bipédique et de la reproduction (taille du cerveau). Le développement du cerveau nécessite en principe un élargissement du bassin avec éloignement des têtes fémorales. En appui unipodal les pressions sur l’articulation coxo-fémorale augmentent fortement. La fréquence des coxarthroses chez l’homo sapiens actuel traduit la limite de l’élargissement. (Figure 5) Un autre élément est la sphéricité du pelvis. Certains australopithèques présentaient d’importantes asymétries. (Figure 6)
2 – Dans le plan sagittalLe phénomène le plus important est la verticalisation et la bipédie. Au niveau des membres inférieurs, on constate une stabilisation des genoux en extension. (Figure 7) Au niveau du bassin, l’adaptation musculaire se traduit par : · Un développement des muscles fessiers (Figure 8) · Une dissociation du tronc et du bassin avec insertion des muscles du tronc sur la crête iliaque.
La modification de la tension des fascias superficiels se caractérise par la transformation de muscles en puissants ligaments. (Figure 9) La mise en tension se complète au moment de la croissance pubertaire. La verticalité s’effectue sans contraction musculaire. La morphostatique du rachis dans le plan sagittal a été publiée par Stagnara et de Mauroy en 1978. Le premier travail a consisté à choisir une position radiologique la plus proche de celle de l’examen clinique : Regard horizontal, mains reposant en avant sur un support, pieds joints, membres inférieurs tendus (Figure 10)
La radiographie est alors réalisée de profil avec éventuellement digitalisation des corps vertébraux pour une représentation tridimensionnelle. (Figure 11) Le premier paramètre est le porte à faux : Distance entre le centre des têtes fémorales et la verticale abaissée du centre du disque L5-S1. Cette distance est en moyenne de 2,5 cm +- 1cm en arrière de l’axe des têtes fémorales. Elle augmente en cas de rétroversion, diminue et s’inverse en cas d’antéversion. (Figure 12)
Le 2° paramètre est l’inclinaison de la pente sacrée sur l’horizontale. C’est l’angle formé par une tangente au plateau supérieur de S1 avec l’horizontale. L’angle est en moyenne de 37° +- 9°. Cette inclinaison est celle qui en photoélasticité bidimensionnelle répartit au mieux les contraintes entre le corps vertébral en avant et l’arc postérieur en arrière. (Figure 13) Le 3° paramètre est l’incidence lombo-pelvienne : c’est l’angle entre la perpendiculaire au plateau sacré en son centre et la droite unissant le centre du plateau sacré et le centre de l ’axe bi-coxo-fémoral. L’incidence est en moyenne de 53° +- 10°. L’incidence est un facteur constitutionnel qui ne varie pas en fonction de l’ante ou de la rétroversion pelvienne. (Figure 14)
En antéversion pelvienne : le porte à faux diminue et s’inverse, la pente sacrée augmente, la lordose augmente, l’incidence reste identique. (Figure 15) En rétroversion pelvienne : le porte à faux augmente, la pente sacrée diminue, la lordose diminue, l’incidence reste identique. (Figure 16)
Le 4° paramètre est l'angle lombo-sacré ALS : c'est l'angle formé par la tangente au mur postérieur de S1 et au plateau supérieur de L5. Il caractérise la cyphose lombo-sacré. Il conditionne le traitement et la surveillance du spondylolisthésis.
La lordose est l’angle formé par la tangente au plateau supérieur de la vertèbre transitionnelle thoracolombaire la plus inclinée sur l’horizontale, habituellement L1 et la tangente au plateau inférieur de L5. La moyenne est de 45° +- 9°. La lordose est corrélée à l’inclinaison de la pente sacrée. On ne note pas de différence selon le sexe. (Figure 17) Lorsque l’on effectue des clichés en position debout et en position assise, on constate une bascule de 20° à 40° en arrière du bassin, une horizontalisation de la pente sacrée, une disparition de la lordose lombaire. (Figure 18)
En position assise, le rachis reprend une courbure cyphotique unique ancestrale. Lorsqu’il existe des défauts constitutionnels d’inclinaison de la pente sacrée, on doit modifiée l’inclinaison de l’assise pour restaurer un rachis lombaire rectiligne. Par exemple, en cas d’inclinaison excessive de la pente sacrée, on inclinera l’assise vers l’arrière. (Figure 19) En cas d’inclinaison faible de la pente sacrée, pour éviter une cyphose lombaire, on inclinera l’assise vers l’avant avec éventuellement un contre appui au niveau du genou pour éviter le glissement. (Figure 20)
La dynamique dans le plan sagittal a été précisée par Thurston en 1983 avec 2 cycles de déplacement du bassin pour un cycle de marche. (Figure 21) Lors de la marche, il existe également un basculement dans le plan frontal mais sur 1 cycle. L’Inclinaison du rachis et du bassin est opposée. Les pics se situent pendant le passage du pas. (Figure 22)
Inman en 1981 schématise ce déplacement du bassin lors de la marche. (Figure 23) Le déplacement du centre de gravité suit celui du bassin. (Figure 24)
L’inflexion latérale du tronc provoque une rotation du bassin avec effet de cardan. (Figure 25)
3 – Dans un plan horizontal L’antéversion du col fémoral s’accompagne d’une antéversion pelvienne indispensable pour couvrir la partie antérieure de la tête fémorale. On retrouve cette antéversion pelvienne sur les squelettes d’homo ergaster, il y a 1,6 millions d’années. (Figure 26) Comme dans le plan frontal, il existe une rotation opposée du rachis et du bassin. Le pic se situe pendant la phase de double appui. (Figure 27) Cliniquement, les défauts dans le plan horizontal vont provoquer des troubles rotationnels au niveau des membres inférieurs. Il faudra alors apprécier l’équilibre entre l’asymétrie rotationnelle des hanches, la torsion tibiale externe et éventuellement l’abduction ou l’adduction des pieds. (Figure 28)
Les asymétries de tension peuvent provoquer une déformation osseuse du bassin visible sur les radiographies de face. Dans ces cas, un accouchement par césarienne sera souvent préféré. (Figure 29) Pour préciser les paramètres rotationnels on peut réaliser un scanner avec 3 coupes centrées sur le col fémoral, (Figure 30) sur l’extrémité inférieure du fémur au niveau de la rotule, et sur les chevilles. (Figures 31 & 32) On mesurera alors de façon précise l’antéversion fémorale et la torsion tibiale externe.
4 - La sacro-iliaqueJoue un rôle important dans le complexe lombo-pelvi-fémoral. Elle se développe en surface chez l’homo sapiens. Anatomiquement les surfaces sont lisses à 20 ans et vont progressivement devenir irrégulières avec crêtes, creux, protubérances et dépressions réalisant une véritable platine à friction après 50 ans. (Figure 33) La forme en équerre, en cale, en boomerang assure un maximum de stabilité. (Figure 34)
Les surfaces articulaires sont vrillées de haut en bas. Le sacrum peut être considéré comme un coin venant s’encastrer verticalement dans les iliaques, réalisant un système autobloquant. (Figure 35) Le cartilage sacré est blanc, lisse hyalin. Il transmettrait les forces du rachis au pelvis. Le cartilage iliaque est gris, de type fibrocartilage. Le plateau sous-chondral est 50 % plus épais que celui du sacrum. Il absorberait les contraintes. (Figure 36)
La capsule articulaire est intimement liée aux épais ligaments. Le ligament sacro-iliaque antérieur serait un épaississement de la capsule. (Figure 37) Les ligaments de l’articulation maintiennent la cohésion de la platine à friction. En avant le ligament sacro-iliaque antérieur à fibres transversales prévient le diastasis antérieur. Le ligament sacro-épineux et sacro-tubéral sont en continuité avec le tendon du biceps crural. (Figure 38)
En arrière, le ligament sacro-iliaque interosseux est le plus important. Le ligament sacro-iliaque postérieur prévient le diastasis postérieur. (Figure 39) La disposition des ligaments en pont est caractéristique d’un système à intégrité tensionnelle. (Figure 40)
L’intégrité tensionnelle permet l’omnidirectionnalité du rachis et des membres. (Figure 41) La couverture musculaire lombo-pelvienne comporte plusieurs couches… (Figure 42) La couche profonde assure la tension, la couche superficielle est le moteur.
La physiologie de l’articulation sacro-iliaque va varier avec l’âge. L’amplitude des mouvements est minime sauf au moment de l’accouchement. Ces mouvements sont passifs en l’absence de muscles permettant un mouvement actif de l’articulation. Il existe un amortissement des contraintes dans les 3 plans de l’espace lors de la marche. Le verrouillage dans l’anneau pelvien assure solidité et stabilité. La stabilité associe différentes composantes anatomiques : · Emboîtement réciproque de 2 segments orientés différemment et du tubercule de Bonnaire médian · Cartilage articulaire irrégulier et d’épaisseur différente · Protusions osseuses avec crêtes et sillons et emboîtement réciproque · Serrage ligamentaire antérieur et postérieur La profonde du rachis et des membres inférieurs sont reliées par les ligaments sacro-iliaques. (Figure 43) De même pour la musculature superficielle à grand bras de levier, de puissants ligaments s’insèrent sur l’arc postérieur des corps vertébraux… (Figure 44)
5 - La locomotionPrécède toutes les autres activités. L’énergie consommée doit être minimale. Les structures osseuses et ligamentaires doivent être soumises au minimum de stress. Les membres inférieurs et supérieurs se déplacent dans un sens opposé et réciproque. Dans un plan frontal : épaule et bassin basculent en sens opposé. Dans un plan horizontal : le bassin tourne vers la droite et l’épaule vers la gauche. Dans le plan sagittal : antépulsion du membre inférieur gauche et rétropulsion du membre supérieur gauche. (Figure 45) Globalement, la marche de l’homo sapiens est tridimensionnelle. Le rachis est le moteur principal, les membres inférieurs sont un moteur secondaire. Les étapes lors d’un cycle de marche sont : - Impact du talon sur le sol, transmission par l’intermédiaire des genoux en extension. - Décélération dans le bassin, - Contre rotation dans la Sacro-iliaque, - Emmagasinement de l’énergie cinétique dans la flexion du tronc, - Restitution de l’énergie. L’extension du rachis est restituée dans la hanche opposée, ce qui facilite le passage du pas avec flexion de la hanche (Figure 46)
En flexion de hanche, la ligne de gravité se projette en arrière de l’axe des têtes fémorales, en extension de hanche, la ligne de gravité passe en avant de l’axe des têtes fémorales. Le rachis est-il un simple balancier ? Gracovetsky en 1988 développe le concept de moteur vertébral. L’énergie emmagasinée lors de la flexion antérieure du tronc est restituée dans les membres inférieurs lors de l’extension du rachis qui accompagne le passage du pas. De plus, le rachis joue le rôle d’amortisseur. On constate lors de la marche une diminution des mouvements segmentaires du bassin à la tête. La tête est le segment qui se déplace le moins, le bassin est celui qui se déplace le plus. (Inman V.T. et al., Human Walking, Williams & Wilkins, Baltimore, 1981) Le rôle des muscles paravertébraux a été décrit par Bergmark en 1989. La musculature profonde, courte inter segmentaire assure la mise en tension du système d’intégrité tensionnelle selon des schémas préenregistrés dans les structures cérébrales. La musculature superficielle à grand bras de levier est le véritable moteur du rachis et dépend de la motricité volontaire. Une bonne coordination entre les 2 systèmes est indispensable. (Figure 47) Les muscles stabilisateurs du bassin sont : - Plancher pelvien - Muscles profonds : multifidus - Transverse de l’abdomen - Psoas, carré des lombes Comme un ballon de football, ce système musculaire assure la tension des parois. (Figure 48)
EN CONCLUSION Le complexe lombo-pelvi fémoral est une structure qui constitue le véritable pivot de l’homo sapiens bipède. La statique est un miracle d’équilibre tridimensionnel, la dynamique met en évidence le rôle d’amortisseur, de balancier et de moteur.
Référencesde Mauroy JC; Evolution Paléoanthropologique du Rachis de l’Homo Sapiens. Res Eur Rachis 2007, 45: 1863-1868 | Full text | Sciascia G, De Frenza MD, de Mauroy JC; Nouvelle biomécanique non linéaire du rachis. Res Eur Rachis 2005, 41: 1664-1666 | Full text | Salmochi JF; Une nouvelle approche des manipulations vertébrales par la Tenségrité. Res Eur Rachis 2005, 41: 1725-1726 | Full text | Auteur : Dr Jean Claude de Mauroy (Médecine Orthopédique) Cette page a été mise à jour pour la dernière fois le : 2 septembre 2012 "Conflit d’intérêts : l’auteur n’a pas transmis de conflit d’intérêts concernant les données diffusées publiées dans cette page" |
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